Bandeau
Pour l’abolition de la note scolaire
Slogan du site

Pan à la note ! Panote ...

 Pourquoi les professeurs mettent-ils des notes à leurs élèves ?

 Pourquoi, alors qu’aucun texte légal ne leur en fait une obligation, qu’ils ne risquent donc pas de sanctions pécuniaires s’ils s’en défont ?

 Pourquoi, alors que la note ne fait pas apprendre et qu’elle fait perdre du temps ?

 Pourquoi, alors que les parents ne peuvent rien faire avec le verdict (… votre fille a 5 – ou elle a 15 - sur 20 en chimie) puisqu’ils ignorent comment le professeur est passé d’une analyse multidimensionnelle de la prestation à une note unidimensionnelle ?

 Pourquoi, alors qu’en outre, les parents ignorent comment le professeur a fait apprendre en amont, ou le professeur a appris à noter, ce qui l’anime ? Quels paramètres relationnels entrent en jeu dans ce jeu unilatéral ?

 Pourquoi noter, enfin, alors que professeurs et parents ignorent les ressorts psychiques de l’élève soumis au questionnement ?

Charles Pepinster

Un poing de cÍ´té
Article mis en ligne le 18 février 2015

Qu’est-ce que nous faisions lÍ , entassés sur les planches, dans cette pièce décorée d’équerres, de compas géants, de momies cadavériques, de livres abÍ®més ? Qui retenions-nous prisonnier ?
(...)

Les chiffres aussi sont cotés.

Dix appelle l’admiration et est suivi d’un - Très très bien !, appuyé d’un sourire replet de satisfaction. On croit rêver et on rêve, vraiment. Après c’est le sommeil, on peut se reposer l’Í¢me sereine des devoirs accomplis. Parents ou enseignant captent le dix comme un blanc-seing, un aller simple pour la tranquillité des ménages et le bonheur des méninges.

Neuf aussi, mais il y a sur la bouche de l’instituteur la grimace de Christophe Colomb apprenant qu’il a loupé l’Amérique.

Huit suggère la carriole légère tirée par un cheval frais dans les allées ombragées d’une Toscane ensoleillée.

A sept, c’est différent et le ton se durcit, les traits du visage ne peuvent plus se laisser aller, il faut de la fermeté, dans les yeux, la voix, le geste. Sept est un chiffre magique et c’est ce qui le sauve car enfin, sept, ce n’est pas huit ! A la rigueur, sept et demi, soit. Sept est un candélabre sur lequel les bougies allumées ont la flamme vacillante ; un souffle de découragement éteint l’une d’elles et nous voilÍ Í six.

Six est un chiffre qui provoque une longue inspiration suivie d’une expiration bruyante, ce qui veut dire chez l’adulte - Que vais-je faire de toi mon petit, de toi qui ne fais que des six. Prouve-t-on quelque chose avec six ? Six est-il malin ? Six peut-il trouver du travail ? Six peut-il devenir grand et célèbre et riche ? Non, non et non ! Six sera discret et obéissant, six sera soumis et n’exigera pas le bonheur parce qu’il sait qu’il ne le mérite pas. Six prendra la joie comme de l’usurpation. Six sait qu’en dessous de lui il y a cinq, et que cinq est pire que tout.

Cinq c’est le verre toujours Í moitié vide, jamais Í moitié plein. Cinq c’est ne plus oser jouer Í pile ou face, cinq, c’est jamais, c’est nulle part. Cinq, c’est lancé aux yeux comme du sable. Cinq, l’adulte n’expire même plus, il ne soupire pas. La résignation passe sur son front comme un brouillard d’octobre.

Quatre, trois, deux et un, n’en parlons même pas. Dans la classe soudain énorme, on va chercher ses points sur l’estrade comme Í la boxe. On esquive, on se tient sur sa garde, on parade, on évite le K.O. Mais on sait qu’on sera disqualifié. Trop lourd, trop léger, pas dans la bonne catégorie, pas du bon cÍ´té. Pas bien né, en fait.

Ce texte est extrait de Une machine de rouge , écrit par Daniel ADAM et paru aux Editions Vista, Bruxelles, 2002.