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Pour l’abolition de la note scolaire
Slogan du site

Pan à la note ! Panote ...

 Pourquoi les professeurs mettent-ils des notes à leurs élèves ?

 Pourquoi, alors qu’aucun texte légal ne leur en fait une obligation, qu’ils ne risquent donc pas de sanctions pécuniaires s’ils s’en défont ?

 Pourquoi, alors que la note ne fait pas apprendre et qu’elle fait perdre du temps ?

 Pourquoi, alors que les parents ne peuvent rien faire avec le verdict (… votre fille a 5 – ou elle a 15 - sur 20 en chimie) puisqu’ils ignorent comment le professeur est passé d’une analyse multidimensionnelle de la prestation à une note unidimensionnelle ?

 Pourquoi, alors qu’en outre, les parents ignorent comment le professeur a fait apprendre en amont, ou le professeur a appris à noter, ce qui l’anime ? Quels paramètres relationnels entrent en jeu dans ce jeu unilatéral ?

 Pourquoi noter, enfin, alors que professeurs et parents ignorent les ressorts psychiques de l’élève soumis au questionnement ?

Charles Pepinster

La dictée, dernier rempart de la notation
Anecdote personnelle
Article mis en ligne le 13 décembre 2008
dernière modification le 21 juillet 2009

Dans les “bulletins” remis quatre fois l’an aux parents, nous avions fait évoluer le concept d’évaluation formative en l’inscrivant dans une logique de communication avec les familles ; en cohérence avec les méthodes d’enseignement et les valeurs prÍ´nées dans notre projet d’implantation. L’objectif de ce bulletin, que nous avions rebaptisé “dossier d’évolution” , n’étant pas de hiérarchiser les enfants entre eux, nous avions décortiqué les différents prescrits de la loi permettant aux enfants de se construire, de s’épanouir, de développer leur intelligence.

Le regard que nous portions sur chaque enfant se voulait positif et respectueux de chacun ; sans vouloir les aligner sur une norme. Il s’agissait donc de proposer un outil d’évolution, de planification plutÍ´t qu’un “flash momentané de jugement” . Nous voulions faire intégrer l’idée que chacun apprend pour son propre épanouissement (et l’intérêt de grandir et de savoir) et pas pour un paiement via des points.

Dans ces dossiers n’apparaissaient pratiquement plus d’appréciations sur les capacités des élèves. Une seule discipline revendiquait encore fermement sa place, porteuse de jugements sur les acquisitions des enfants et faisait finalement figure d’oripeau parmi les différents libellés : l’orthographe !

Sans doute était-ce rassurant pour moi ; sans doute cela mettait-il du crédit Í mon statut ; sans doute les parents encore questionneurs, voire sceptiques, y voyaient-ils subsister une “corde de sécurité” par laquelle ils pouvaient relier leur vécu scolaire Í celui de leur progéniture, se rassurant ainsi sur mes compétences Í faire développer l’orthographe de leur enfant.

Plusieurs faits ou questionnements m’ont interpellé de façon récurrente ; telles des roches usant petit Í petit les derniers lambeaux d’une corde qui devait bientÍ´t rompre. Lors des dictées traditionnelles, des enfants me demandent de leur confirmer oralement l’orthographe d’un mot complexe… Hésitations… Si je donne la réponse, je biaise le contrÍ´le car il ne sera plus révélateur de leurs incompétences. Pire, je fais du favoritisme ! L’impartialité devait-elle faire partie des valeurs de l’enseignant ?

Par contre, la réponse spécifique Í l’apprenant, dans ce contexte, allait Í coup sÍ »r faire mouche ; la situation rencontrait en effet un maximum d’efficacité chez ces enfants. Ne pas répondre, c’était dès lors refuser de les faire apprendre pour de bon… Une violence en soi !

Une forme de “servitude volontaire” m’incitait Í reprendre “lassablement” , pour chacun de mes élèves le cortège des appréciations en regard des mots ou textes dictés.
Combien de temps allait encore durer cette docilité amère évoquée par La Boétie ?

Tout était pourtant mis en place : des systèmes de communications efficaces, la reconnaissance suffisante chez mes parents d’élèves, des parents avertis dès l’entrée Í l’école de l’absence de points, une panoplie d’arguments professionnels crédibles, une soif d’apprendre chez mes enfants sans autre gratification que celle de se voir grandir et évoluer… Les dictées, sur feuilles volantes semblaient elles-mêmes devenir une sorte de “monnaie-papier” que seuls quelques-uns des meilleurs collectionnaient encore avec fierté.

Il était beaucoup plus logique de faire écrire ces dictées dans le cahier d’orthographe ; chacun pouvant ainsi se rendre compte au fil des semaines des avancées et progression.

La suppression complète de toute note ou appréciation s’est faite un début septembre ; après avoir longuement explicité la démarche aux enfants devenus complices. Bribes de conversation :

— Vous n’aurez plus d’appréciation. Vous devrez cependant corriger dès la dictée terminée… Un moment d’apprentissage de plus !
— Monsieur, vous voulez dire que si on a 4 fautes, vous ne mettrez plus « NA » (non acquis) ?
— C’est exact. Pensez-vous dès lors que vous n’allez plus préparer vos dictées ?…
— …
— En fait Monsieur, pourquoi on doit apprendre l’orthographe ?
— …
— Donc, quand on fait des dictées, c’est vraiment pour nous ?
— Oui, bien sÍ »r.
— …

Il m’a été agréable de constater que ces nouvelles dispositions n’ont en rien affecté les motivations des enfants Í l’apprentissage de l’orthographe. Aucun parent ne s’est inquiété de la mesure…

Outre l’économie substantielle de temps, cela nous a permis de faire un pas de plus vers un rapport au savoir sain : l’école est faite pour faire apprendre ; pas pour (dé)classer !

Léonard Guillaume

Extrait de « Faire apprendre, c’est politique »
L. Guillaume et J-F Manil, ouvrage ͠paraͮtre en 2009.

 Membre du Groupe Belge d’Éducation Nouvelle (GBEN)
 Auteur de Exposés interactifs des élèves - Pourquoi ? Comment ?
 Co-auteur, avec Jean-François Manil, de La rage de faire apprendre